Tutoriel : fabriquer son savon, méthode à froid
J'inaugure aujourd'hui une nouvelle rubrique !! Celle des tutoriels...
J'avais dans un premier temps envisagé de me contenter de faire des liens vers des tutoriels déjà existants... Et puis je me suis rendue compte que certains liens que j'avais faits n'étaient plus valables, car les pages n'existaient plus. Je me suis donc dit que la meilleure manière d'informer les personnes qui lisent mon blog sur la manière de procéder était de faire moi-même des tutoriels.
Pour le premier de la série, j'ai choisi de m'attaquer à la fabrication de savons maison. Vous me direz je suis un peu gonflée, vu que ça ne fait même pas un an que je me suis mise aux savons... Certes. Mais c'est comme ça hi hi !! (et le comble, c'est que les photos de ce tutoriel s'appliquent à un savon raté en plus ! Bon, promis, je vais tâcher de vous donner de bonnes informations !!).
Vous êtes prêts ? Vous avez environ une demi-journée devant vous ? Non je rigole, mais c'est vrai que là j'ai pondu un sacré pavé hein...
On commence.
La recette :
Quand on souhaite se lancer dans la fabrication d'un savon maison, par quoi commence-t-on ? La recette pardi !
Un savon est le produit d'une réaction chimique entre des acides gras, d'une part et une solution alcaline d'autre part. A la maison, on utilisera donc des huiles et des beurres (de préférence végétaux et bio) que l'on mariera avec une solution de soude caustique, ce qui donnera à la fin un savon naturel riche en glycérine (un agent humectant bon pour la peau).
Selon les huiles ou les beurres choisis, les propriétés du savon ne seront pas les mêmes. Chaque huile ou beurre possède une quantité particulière en acides gras laurique, linoléique, myristique, oléique, palmitique, ricinoléique ou stéarique. Et ces proportions influent sur la dureté, la mousse ou encore la douceur du savon (il en va de même pour les crèmes maison que vous fabriquez, j'en parlerai certainement dans un prochain tutoriel).
Voici quelques petits tableaux (pris ici) qui pourront vous aider dans l'élaboration de votre recette :
Propriétés des acides gras dans le savon
Pourcentages d'acides gras dans les huiles et beurres
Ou encore pour résumer :
Propriétés des huiles dans le savon
L'une des huiles incontournables pour faire un savon, c'est l'huile de coco. Je prends souvent de l'huile de coco hydrogénée, moins chère (que l'on trouve en grande surface sous le nom de "végétaline", ou qui existe également en bio... Attention toutefois, toutes les graisses à frire ne sont pas toutes composées à 100% d'huile de coco hydrogénée, bien lire la composition !). Cette huile donne au savon son pouvoir lavant, sa dureté et sa mousse. Il est commun de la doser entre 20 et 35%. Plus son dosage est élevé, plus le savon sera dur et moussera, mais moins il sera doux. Je la dose généralement à 20 voire 25% pas plus.
Une autre huile incontournable pour moi est l'huile de ricin. On dit qu'elle augmente le pouvoir moussant du savon, elle est également particulièrement émolliente. On la dose entre 5 et 10%, pas plus car elle rendrait le savon trop mou.
Pour le reste, le choix est ouvert. Pour un savon plus dur, les beurres seront vos alliés, vous pouvez également ajouter un peu d'acide stéarique ou des cires végétales ou florales.
Pour un savon doux, les huiles et beurres riches en insaponifiables (= ce qui ne sera pas saponifié et qui restera donc intact après la saponification) seront privilégiés, comme le beurre de karité, l'huile de jojoba ou l'huile d'avocat.
Une fois le choix de vos huiles fait, il faut calculer leur proportion et la quantité d'eau et de soude pour les saponifier.
Chaque huile a un indice de saponification spécifique, c'est à dire que pour saponifier 500g d'huile d'olive, il ne faudra pas la même quantité de soude que pour saponifier 500g d'huile de coco... Pour calculer tout ça, il existe fort heureusement des calculateurs. Voici les deux que je retiens :
- Soap calc, qui a l'énorme avantage de donner les caractéristiques futures du savon (hardness : sa dureté, cleansing : son pouvoir nettoyant, condition : sa douceur, bubbly : son pouvoir moussant, creamy ; la manière dont sa mousse se stabilise et se transforme en crème mousseuse, iodine : la fragilité du savon à l'oxydation, et le fameux INS du savon, qui rassemble l'ensemble de ses qualités, vérifie l'équilibre entre les huiles et donnera un aperçu de sa dureté). Les fourchettes attendues pour chaque propriété sont indiquées, ce qui permet de plus facilement faire sa recette. Attention à bien mettre la recette en grammes, et de bien choisir "NaOH" pour la solution, qui signifie "soude caustique' (et non pas KOH qui signifie potasse, qui permet de faire des savons liquides... A voir dans un prochain tuto !!). Petit bémol pour ce calculateur : il est en anglais...
- Le saponifieur : qui est en français !! C'est celui développé par Kafée, reine es-savons. Il est téléchargeable gratuitement, contrairement à ce que pourrait laisser entendre la démarche à faire pour le télécharger. Vous choisissez le règlement par paypal, ça affiche 0 et voilà ! Il est très pratique car il indique également l'INS, il permet d'inclure les cires végétales et florales dans le calcul de la recette, et il permet de voir au premier coup d'oeil la quantité d'eau et de soude à mettre selon l'indice de surgraissage par exemple.
Pour calculer sa recette, il suffit donc d'entrer la quantité totale d'huile que vous souhaitez utiliser, puis d'entrer le pourcentage de chaque huile. Vérifiez que l'INS de votre savon est bien situé entre 136 et 165. A la fin, vous aurez le choix d'une quantité de liquide et de soude. Pour la soude, il est généralement recommandé un surgraissage de 5 à 8%, par sûreté. C'est à dire qu'il y aura 5 à 8% d'huiles ou beurres en trop par rapport à la quantité de solution de soude, donc ces 5 à 8% ne seront pas saponifiés et permettront de rendre le savon plus doux. Personnellement, je surgraisse mes savons à 10, ce qui les rend bien doux (mais en contre-partie, ils fondent plus vite). Le surgraissage permet d'être sûr que toute la solution de soude qui aura été mélangée aux huiles aura été mariée avec elles... Un surplus de soude rendrait votre savon caustique, et donc inutilisable, dangereux...
Pour la quantité d'eau, je vous conseille de mettre le maximum d'eau préconisé quand vous débutez... Ce qui permettra à la "trace" d'arriver moins vite, ainsi vous aurez plus le temps pour vos éventuels ajouts...
Les ajouts, justement, parlons-en.
L'avantage avec les savons maison, c'est qu'on peut mettre tout un tas d'ajouts, des plus traditionnels aux plus originaux ! Toutefois, assurez-vous que ce que vous mettrez dans votre savon ne le fera pas rancir, ou pire, ne va pas interagir avec la soude !
On peut ajouter des éléments exfoliants, pour faire un savon exfoliant, comme des pépins de fruits, du sable, des flocons d'avoine, etc...
On peut ajouter du lait, en poudre ou liquide (mais dans ce cas, prévoir de l'ajouter en granité presque congelé, pour que la soude ne le brûle pas) : lait de chèvre, de vache, de jument, d'ânesse, ou encore des laits végétaux, de riz, d'avoine, etc...
On peut ajouter des purées de fruits ou de légumes... Mais alors ajouter un peu d'EPP pour éviter que le savon ne rancisse.
On peut ajouter de l'argile, qui donne un savon velouté, très doux, et qui permet en plus de fixer le parfum dans le savon.
On peut ajouter des huiles essentielles ou des fragrances, pour parfumer le savon (à hauteur de 3% maximum).
On peut ajouter des fixateurs de parfum pour s'assurer que la fragrance ou les huiles essentielles tiendront dans le temps (l'argile, le benjoin ou l'iris tiennent ce rôle).
On peut ajouter des anti-oxydant (vitamine E par exemple) quand on utilise des huiles fragiles, pour éviter le rancissement du savon, ou de l'EPP quand on rajoute des purées de fruits par exemple ou d'autres éléments fragiles.
Enfin, des colorants pour le colorer. Attention, n'utilisez que des colorants propres à la cosmétique (ou alimentaires, là pas de risque).
And last but not least, on peut remplacer l'eau par un autre liquide pour dissoudre la soude, comme des infusions par exemple...
Dans tous les cas, si vous faites des ajouts liquides, enlevez l'équivalent de cette quantité d'ajout à la quantité d'eau pour dissoudre la soude, sinon votre savon sera trop mou et mettra trop longtemps à sécher. Enfin, travaillez dans la fourchette de sûreté ; la quantité d'eau (ou autre liquide, infusion, etc...) pour dissoudre la soude ne doit pas être inférieure à la quantité minimale conseillée.
Selon les ajouts, on peut les faire soit directement dans les huiles, avant le mélange avec la solution de soude, soit à la trace, lorsque l'ajout de la solution de soude aura été fait et que la pâte à savon commencera à prendre forme. Personnellement, hormis les huiles essentielles, qui sont fragiles, je fais le maximum d'ajouts directement dans les huiles avant l'ajout de la solution de soude. Cela permet de moins stresser si la pâte fige ensuite...
Et voilà, vous avez toutes les cartes en main pour faire votre recette de savon !! On passe maintenant à la partie pratique...
Les étapes de fabrication du savon :
Pour fabriquer du savon, il faut d'abord s'assurer d'avoir suffisamment de temps devant soi (2 ou 3 heures) et que personne ne pourra vous troubler : un savon ça se fait loin des enfants et des animaux domestiques, par exemple, car le maniement de la soude caustique est dangereux !!
Ensuite, passons à la mise en place. Il vous faudra du matériel :
Des bols et bêchers assez hauts, résistants à la chaleur, en pyrex ou inox de préférence (on évite le métal qui interagit avec la soude).
Des ustensiles en inox ou plastique résistant à la chaleur : un fouet pour mélanger les huiles et la solution de soude, une spatule pour bien racler le bol, une cuillère pour faire le mélange de la solution de soude.
Un moule, pour couler votre pâte à savon. Les moules en silicone facilitent le démoulage, mais si vous n'en avez pas, une simple boîte de lait coupée fera l'affaire...
Et bien sûr, une balance pour peser vos ingrédients.
Vos ingrédients seront donc les suivants :
Des huiles et des beurres, voire des cires, selon la recette que vous aurez choisie.
Et de la soude caustique en perles. Je trouve la mienne en supermarché, comme vous pouvez le voir...
Pensez également à sortir et préparer vos éventuels ajouts, colorants et fragrances. Pour l'eau, choisissez de préférence de l'eau déminéralisée, surtout si vous habitez une région calcaire.
Pour commencer, pesez l'eau dans le bêcher haut qui servira pour la dissolution de votre soude. Traditionnellement, le liquide se mesure en ml pour la dissolution de la soude, mais pour l'eau, c'est pareil en poids et en ml... A part, pesez la soude nécessaire. Enfin, pesez vos beurres et huiles solides.
Une fois que c'est fait, habillez-vous de manière à protéger toutes les parties de votre corps. Si vous avez un masque et des gants, c'est le moment de les dégainer...
Vous allez dissoudre la soude.
Mettez-vous dans un endroit aéré, sous une hotte de cuisine qui marche à fond ou bien dehors. Abstenez-vous de respirer les vapeurs de soude, qui sont corrosives et très dangereuses... Personnellement, je fais ça dehors, sur ma terrasse, le plus loin possible de mon nez et je retiens ma respiration...
Pour dissoudre cette soude, vous allez verser petit à petit les perles de soude dans l'eau (et non l'inverse !! Sous peine d'avoir une réaction très violente de type volcan qui éclabousse tout !!!!!!!!). Il faut aller progressivement et bien remuer pour éviter les amas de soude.
Ici la soude n'est pas encore complètement diluée. On voit bien les petits granulés qui ne sont pas encore fondus... Néanmoins, on voit déjà la buée qui se forme sur les parois du bêcher sous l'effet de la chaleur qui se dégage...
Une fois que la soude est dissoute, laissez la refroidir dans un endroit sûr (moi je la laisse sur ma terrasse, loin des pattes de mon chat, qui n'y a pas accès pendant l'opération...).
Pendant ce temps, vous allez faire fondre vos beurres et huiles solides (au bain marie ou au micro-ondes). Une fois que c'est fait, vous ajouterez vos huiles liquides à ce mélange.
Laissez également refroidir votre mélange d'huiles et de beurres.
Puis, vous allez préparer tous vos ajouts. Pesez tout, et diluez vos colorants s'ils sont en poudre pour qu'ils puissent s'incorporer à la pâte à savon sans faire de petits points disgracieux...
Ici j'ai pesé de la purée de potiron, de l'argile et ma fragrance, que je voulais ajouter aux huiles directement. Bien sûr, pesez à part ce que vous voulez ajouter à la trace.
Ici mon oxyde noir, que j'ai diluée dans un peu d'huile pour obtenir une pâte homogène un peu fluide.
Si vous souhaitez faire des ajouts directement dans les huiles, c'est le moment. Pour bien homogénéiser le tout, vous pouvez mixer vos huiles avec les ajouts à l'aide d'un mixeur plongeant.
Voilà, les préparatifs pour le grand moment sont terminés !
Vérifiez que vos huiles et votre soude soient redescendues à une température adéquate. Si elles sont à moins de 40 degrés, vous pouvez les marier !! Evitez une trop grande différence de température entre vos huiles et votre solution de soude, sous peine d'être confronté à une pâte à savon qui fige ou à de la cendre de soude (non dangereuse mais inesthétique) sur votre savon.
Versez lentement, très lentement la solution de soude dans les huiles (et non l'inverse, encore une fois !) en remuant avec votre fouet.
Mélangez bien au fouet votre pâte, jusqu'à atteindre la fameuse trace. La trace est le moment où la pâte, en retombant dans le bol, reste un instant en suspension avant de se fondre au reste. La consistance passe de liquide à crème anglaise. Il existe différents stades de trace : la trace fine, la trace franche et la trace épaisse... Selon ce que vous voudrez faire, vous privilégierez l'une ou l'autre.
Ici c'est une trace assez franche, on la voit bien !!
C'est à ce stade, où la saponification a commencé, que vous pouvez faire vos ajouts fragiles, comme les huiles essentielles.
Ici j'ajoute un colorant...
Et voici ma pâte une fois bien mélangée. Au passage on peut remarquer que la trace peut maintenant être qualifiée d'épaisse...
Mélangez bien, puis versez votre pâte dans les moules.
Vous pouvez alors filmer vos moules avec un film alimentaire, ce qui évitera l'apparition de cendre de soude inesthétique sur vos savons.
Mettez vos moules dans un endroit sûr, hors de portée de quiconque, et bien aéré.
Vous pourrez démouler vos savons quand ils seront assez durs (cela varie entre un et trois voire quatre jours selon la recette...). Si vous avez coulé votre pâte à savon dans un grand moule, vous pourrez découper votre savon au bout de trois ou quatre jours.
Vient enfin le temps de la cure. C'est le temps nécessaire pour que le processus de saponification, qui transforme les huiles et la soude en savon et glycérine, soit complet. Il faut compter au moins un mois. Au cours de ce mois, le PH de vos savons va baisser. Il faut entreposer les savons dans un endroit aéré, et les retourner régulièrement.
Au bout d'un mois (minimum !! Les miens restent en cure au moins deux mois...) vous pouvez les emballer et les offrir !! Ou vous en servir bien sûr. Ça y est !! Vous avez fait un savon maison !!! Félicitations !